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RECONNAISSANCE DU TREKKING AU KIRGHIZISTAN – du 6 au 13 mai 2023
Jour 1
En quittant Bishkek, nous longeons la frontière kazakhe pendant plusieurs dizaines de kilomètres. Parmi les camions et les voitures tout droit issus de l’ère soviétique, des petits groupes de personnes attendent devant les quelques postes frontières qui jalonnent notre route. Au fond, les dernières montagnes kazakhes encore légèrement enneigées avant l’immensité des steppes.
Plus loin, des dizaines de personnes attendent autour d’un rond-point. Elles regardent les voitures passer avec espoir. L’espoir de se faire embaucher dans les champs alentour le temps d’une journée. Le propriétaire terrien passe, embarque deux ou trois ouvriers pour des travaux agricoles dans ses champs, et les payent à la fin d’une journée de dur labeur sous les premières chaleurs printanières. L’intérim kirghize en quelque sorte.
Nous bifurquons vers l’intérieur du pays en direction du lac Issyk Kul que nous allons longer sur sa rive nord, d’ouest en est, soit environ 150 kilomètres. Nous croisons sur notre route de vieux bâtiments et de vieilles usines abandonnées datant de l’époque soviétique. Le contraste du béton grisâtre est saisissant avec cette belle journée ensoleillée et le bleu azur du lac.
Après 8 heures de route, nous arrivons à Karakol, ville nichée au pied des montagnes du Tian Shan culminant pour certaines à plus de 7000 mètres d’altitude. Derrière, c’est la Chine. L’atmosphère qui règne ici est celle des contrées lointaines. Nous sommes en plein cœur de l’Asie Centrale, nous touchons l’Himalaya du bout de nos doigts, et ça c’est magique.
Jour 2
Karakol, 7h, le coq chante au milieu de la rue en terre. C’est l’heure de partir pour une longue journée de marche vers Altyn Arashan. Nous prenons la voiture pour rejoindre l’entrée de la vallée. Des bâtiments de l’époque soviétique défilent d’un côté de la route, et de l’autre des personnes travaillent déjà aux champs.
Plus loin, des tranchées fraîchement creusées puis mal rebouchées ne nous permettent pas de passer avec notre voiture. Nous sortons, et après beaucoup de gestes et quelques mots en russe, deux hommes sur le bord de la route se décident à nous prêter une pelle. Me voilà en train de reboucher une tranchée sur la piste au beau milieu du Kirghizistan.
Après ces quelques entretiens de voirie effectués, nous partons à pied en direction du sud en empruntant une vallée verdoyante dont les flancs sont couverts d’une gigantesque forêt composée exclusivement du magnifique épicea schrenkiana, conifère endémique d’Asie Centrale. Au fur et à mesure que nous pénétrons dans la vallée, les montagnes sont de plus en plus enneigées, elles se redressent, et certaines au loin sont couvertes de glace. Le Tian Shan s’ouvre enfin, et avec lui tout le mythe autour de la panthère des neiges. Dans cette vallée, il y en aurait une vingtaine, l’une des plus grosses concentrations des hautes cimes asiatiques…
L’œil se détournant régulièrement du chemin pour contempler la beauté du lieu, nous gagnons Altyn Arashan après 3 heures de marche. Des chevaux pâturent l’herbe tendre de cet immense alpage, quelques yourtes sont installées dans cette immensité et au fond des cimes himalayesques s’exhibent fièrement d’imposants glaciers. Nous profitons de la carte postale avant de redescendre vers Karakol.
J3
Les 7 Taureaux, le canyon de Skazka et enfin celui d’Aq Say, magnifique, gigantesque, avec ses ravines à perte de vue. Nous longeons cette fois-ci la rive sud du lac Issyk-Kul, plus sauvage, pour passer en revue ces sites caractéristiques. Une légère brume plane dans le ciel kirghize.
Nous ne distinguons pas l’autre rive du lac, laissant croire un horizon infini. L’immense lac perché à 1800 mètres d’altitude se mue en océan.
Après 200km, nous prenons la direction du sud, sur la route de la Chine, anciennement celle de la soie. Je pense alors à toutes les caravanes, tous les véhicules, tous les camions qui ont transité et qui transitent encore sur cette route chargée d’histoire. Nous croisons des semi-remorques immatriculés en Chine. Jusqu’où vont-ils ? J’aime me poser cette question et imaginer ensuite le pèlerinage de ces chauffeurs et de leurs marchandises à travers l’Asie Centrale puis le monde.
Nous quittons la route vers la Chine pour rejoindre celle qui nous mène à Kyzart où nous devons dormir ce soir. La route devient vite une piste où d’énormes nuages de poussière succèdent les véhicules qui l’empruntent. Nous croisons des camions chargés de charbon qui provient d’une mine quelques dizaines de kilomètres après Kyzart. Derrière eux, nous entrons à chaque fois dans un épais brouillard irrespirable. Entre deux camions, nous pouvons contempler de part et d’autre de la piste des steppes vallonnées. Quelques yourtes isolées apparaissent au détour d’un repli, d’une croupe ou d’un talweg, et des troupeaux de bétail se perdent dans ces étendues tout droit sorties d’un décor de cinéma. Les steppes d’Asie Centrale s’offrent à nous…
A Kyzart, nous sommes accueillis par une jeune famille dans leur maison. Après un bon repas et quelques verres de vodka plus tard, il est l’heure de se coucher, demain nous attend une longue journée à cheval.
J4
Les steppes. Les steppes comme on se l’imagine. Des étendues infinies où pâturent des milliers de chevaux, de moutons et de yaks, et de temps en temps une yourte installée là au beau milieu de l’immensité. Des roches rouges se mêlent à l’herbe verdâtre et rase pour dessiner un paysage unique, avec comme toile de fond des cimes encore enneigées. Aucun cliché ne peut rendre compte de l’étendue de ces steppes kirghizes. C’est gigantesque, et tellement beau.
Assis sur nos chevaux depuis bientôt 5 heures, nous parcourons la steppe pour viser un col perché à 3400m d’altitude et enfin apercevoir le lac Son Kul de l’autre côté des montagnes. Nous franchissons le col à 13h. La magie opère. L’immensité est indescriptible, le lac l’est tout autant. Encore gelé, il offre aux cavaliers d’infortune un décor irréel. En été, les berges du lac sont un lieu où se rassemblent plus de 50 familles nomades pour faire paître leur bétail.
Nous redescendons vers Kyzart après une longue contemplation. Il faut faire le chemin en sens inverse, soit plus d’une vingtaine de kilomètres. Le soleil tape et la chaleur est écrasante. Nous ne sommes qu’au mois de mai…
Quelques galops plus loin, nous voilà de retour au village après une parenthèse enchantée à travers la steppe kirghize. Nous devons ce soir nous rendre à Kochkor pour y dormir.
J5
Sous une chaleur déjà bien matinale, nous marchons à flanc de montagne vers le canyon de Konorchek. Devant nous, le paysage est un pêle-mêle de contrastes. Derrière, dominent les glaciers et les neiges éternelles, puis les ravines creusées à coup de pluies torrentielles laissent apparaître une terre rouge sang, et enfin, par-dessus, là où l’eau n’a pas emporté le terreau de la vie, la steppe nous offre ses variations de vert. Je n’ai jamais vu quelque-chose de pareil. Nous descendons une croupe entre deux canyons magnifiques d’où des ravines abyssales dénudent la terre sanguine. Le décor est unique, splendide.
Nous remontons ensuite le canyon de Konorchek en traversant une bonne trentaine de fois le torrent ocre chargé en limon. Les chaussures mouillées, nous sortons du canyon étroit et aux parois parfois verticales pour déboucher sur un plateau steppique immense. Ici nous retrouvons le bétail et quelques bergeries disséminées çà et là. Le plateau est dominé par des sommets culminant à plus de 4000m dont les faces nord sont garnies de grands glaciers de versants.
Nous finissons la journée au bord d’un torrent glaciaire entouré de pelouse. C’est ici que nous planterons la tente ce soir sous les étoiles, des étoiles plein les yeux.
J6
La nuit était froide. Nous avons dormi dans notre petite tente plantée la veille sur ce gigantesque plateau. Ranger les duvets, s’habiller, plier la tente, préparer le petit-déjeuner et faire la vaisselle dans le torrent, des gestes que le bivouac en pleine nature impose, simples et archaïques.
Après ce rituel, il est l’heure de partir vers l’est, tout d’abord sur une piste qui traverse les pâturages au pied de hautes montagnes glaciaires, puis sur un petit sentier qui serpente à travers des genévriers et des blocs erratiques dans un paysage plus alpin. Finalement, après 12 kilomètres de marche, nous arrivons à proximité d’une ferme dans laquelle deux hommes chargent des vaches dans la benne d’un vieux camion tout droit venu de l’URSS. Nous passons à côté, et l’un des deux hommes s’adresse à nous et propose de nous descendre jusqu’au village. Nous acceptons. C’est parti pour un tour de taxi kirghize sur une piste chaotique. Nous sommes 4 à l’avant, bien tassés, et le conducteur fait ronronner le vieux moteur à chaque passage de vitesse. 5 kilomètres plus loin, nous retrouvons notre voiture. Le vieil homme nous laisse ici, un grand sourire se dessine sur ses lèvres, et repart avec son camion et ses vaches avec un grand salut amical.
Direction Bichkek pour notre dernier après-midi au Kirghizistan. À l’entrée de la ville, l’atmosphère devient irrespirable. L’odeur des gaz d’échappement se mêle à la poussière dans un capharnaüm de klaxons qui régissent la circulation. Il ne semble ici n’y avoir aucune règle, la loi du plus fort étant apparemment de rigueur. À chaque feu, les voitures et les camions laissent échapper derrière eux des nuages noirs dans des accélérations vrombissantes et immodérées. À mesure que nous approchons du centre-ville, l’ambiance change et la circulation devient moins dense. La ville est extrêmement arborée, atténuant un peu cette sensation d’étouffement. Nous passons devant l’université, la mairie, la philharmonie, la maison présidentielle, quelques ministères, autant de reliques soviétiques qui possèdent un charme bien à elles.
Nous nous promenons dans les allées du grand bazar Osh, une sorte de souk où nous pouvons absolument tout acheter, des débroussailleuses aux saucissons de cheval, en passant par les instruments traditionnels et les vêtements. Les allées animées et les transactions entre vendeurs et acheteurs nous livrent un véritable spectacle.
Nous terminons notre court séjour dans un restaurant traditionnel où nous goûtons à notre dernier lagman, le plat traditionnel kirghize.
De ce pays que beaucoup d’occidentaux ne savent même pas situer sur une carte du monde, je retiens la gentillesse de ses habitants et la chaleur de leur accueil. Je retiens les visages, ridés au plissement des yeux, travaillés par la succession des hivers atrocement froids et des étés affreusement chauds, comme enduits par la poussière soulevée aux galops des chevaux et aux passages répétés des camions sur les pistes traversant les immensités désertiques de l’ancienne route de la soie. Je retiens ses paysages contrastés, des ravines rouges sang aux sommets enneigés, en passant par l’azur des immenses lacs d’altitude et par les nuances de vert des steppes caractéristiques d’Asie Centrale. Je retiens ces bâtiments de l’époque soviétique souvent abandonnés. Je retiens ces maisons faites de bric et de broc, à l’aspect délabré, derrière lesquelles certains habitants élèvent encore quelques vaches et plusieurs poules, et cultivent ce dont ils ont besoin pour subsister dans une société où le niveau de vie est resté relativement faible.